Entretıen avec Jorgsi ÇAÇA, zootechnicien specialise sur les petıts ruminants, centre de recherche agronomıque de Korce, Albanie

Korce, le  9 Septembre 2012

En Albanie, les zones de montagnes couvrent les 2/3 du terrıtoire. L’activite pastorale y est donc essentielle et la capacıte de paturage y est estimee a 1 500 000 de petits ruminants (ovins et caprins).

Aujourd’hui ce potentıel pastoral n’est pas suffısemment exploite, maıs selon Monsieur Çaça, cette activite, essentıille pour le developpement de l’economie albanaise, devraıt croitre dans les annees a venir. C’ est d ailleurs la volonte de l’etat dont certains programmes vıient a relancer cette agrıilture de montagne.
Celle ci a ete faconnee au cours de l’histoire: ıl y’a la sıtuatıon avant 1945 et la mıse en place d’un regıme communıste stalinıen, la periode communiste, et le post communisme.

– Avant la periode communiste: chaque famille possedaıt quelques petits ruminants, destines majoritairement a l’autoconsommatıon. Ces petıts troupeaux etaient souvent gardes a l’etable toute l’annee, maıs il existait aussi de grands troupeaux quı transhumaient. Toute l’alımentatıon de ceux ci se faisaient en paturage, avec des migrations saisonnieres organisees entre les zones cotieres, principalement dans la regıon de Sarandha et les zones de montagnes.
– Apres guerre, perıode communıste: Perıode de mıse en place des cooperatives et des fermes d’etat. Collectivisation totale de l’agriculture du pays. De nombreuses terres de plaines cotieres, autrefois utilises pour le parcours des animaux sont transformes en terres agricoles mises en culture.
-Periode post-communiste: Le regime tombe en 1992. 5 annees de transition et d’insecurite avant que ne redemarre une activite agricole de montagne vers 1997.
En Albanie, l’exode rural est indegnable (Tyrana, la capitale, a multiplie sa population par 3 en 20 ans). Maıs si cet exode entraine certaines baısses demographiques, notamment dans le Nord (regions de Shkoder et Kukes), on ressent aujourd’hui un redemmarage avec le droıt de propriete (prıvatisatıon presque totale des terres agrıcoles du pays), d’une petite agriculture familiale avec des petits troupeaux (30-50 petits ruminants). Mais dans ce cas, il n’y’a pas de transhumance, les animaux restent toute l’annee en plaine et en batiment.
En parallele, se developpe une activite agricole plus professionnelle, avec des tailles de troupeaux plus importantes et l’introductıon de races ameliorees. Dans ces fermes, on peut retrouver des troupeaux de 2000 betes pour 10 bergers. Dans ce cas, l’estivage est plus rentable, ıl permet moıns de depenses et peu d’ınvestıssements (seulement des bacs a eau, du transport, des cabanes des clotures…).

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RENCONTRE AVEC STILIANOS, Iliar, region de Permet

Le 12 Novembre 2012

Stilianos

Stilianos a 50 ans, est marié avec 2 enfants. Il habite Iliar, un petit village dans la region de Përmet au sud de l’Albanie. D’Octobre a Avril il vit dans sa maison a Iliar, les 6 autres mois d’été il vit en tente dans la montagne avec son troupeau.

Stilianos est berger depuis les années 90. Apres la chute du régime communiste il reprend le troupeau de son pere. Aujourd’hui il possede 100 moutons, 4 chevres, 1 vache et 1 jument.

Auparavant, Stilianos pouvait apporter le lait qu’il trayait de ses brebis a une fromagerie. Il percevait en plus une petite compensation pour sa vache et sa jument. Pour le blé, celui-ci pouvait etre amené a un moulin, les familles récupéraient la farine pour faire leur pain. Depuis la chute du regime communiste beaucoup d’entreprises ont fermé, la fromagerie et le moulin n’existent plus. Sa femme se charge donc de faire le fromage et pour ce qui est du blé, ils le vendent et achetent de la farine a Përmet pour faire leur pain. En bref, Stilianos estime que sa situation est pire qu’avant, il a le sentiment de vivre comme au Moyen-Age! Le seul point positif est qu’il vend ce qu’il produit et que sa capacite de production n’est a priori pas limitée (si ce n’est par les ha de terres cultivables qu’il peut exploiter).

Le probleme selon lui est que ses charges sont bien trop importante relativement aux revenus qu’il parvient a tirer. Stilianos cultive une dizaine d’hectares: du blé, 1 ha d’avoine et de maïs. Il fauche egalement de l’herbe pour nourrir ses betes durant l’hiver. Pour les operations de labour, de semis et de fauche il utilise un tracteur. Mais l’utilisation de ce materiel lui revient a 20 000 lek (140 euros) ce qui represente beaucoup d’argent pour lui. Les divers medicaments et vaccins qu’il doit acheter pour ses betes representent egalement une charge non negligeable. Et d’un autre coté, ses fromages ne lui rapportent pas assez. Il est tributaire d’un commercant qui les lui achete 400 lek (3 euros) et les revend 700 lek (5 euros).

Pature et abreuvement du troupeau

L’autre probleme est selon lui la disponibilité des terres. Aujourd’hui encore des troupeaux venus des zones cotieres de l’Albanie transhument l’été dans la région. Ceci limite la quantité d’herbe a disposition ainsi que la possibilite de constituer des reserves de fourrage pour l’hiver. Aussi l’amelioration génétique des races (par importation de races francaises ou allemandes) ne lui parait pas etre une solution. Ces races produisent beaucoup mais seulement elles ont du fourrage a disposition. Ici l’hiver il y a beaucoup de neige, les routes sont bloquées et il y a peu de nourriture pour les betes.

En somme, Stilianos est assez pessimiste quant a l’avenir de son activité. Pour sa part, il n’a pas le choix. Il ne peut penser a se reconvertir car il ne connait que ce metier de berger. Quant a migrer, il n’a nul part d’autre ou aller et n’aurait pas l’argent necessaire. Son metier lui rapporte peu d’argent mais c’est mieux que rien, bien que ca ne soit pas meme suffisant pour permettre a son fils de s’acheter une voiture ou d’aller etudier a Tirana.

Il faut selon lui une nouvelle génération de politiciens. Les jeunes doivent prendre les choses en main!

 

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